jeudi 2 février 2006
chronique radio de Bernard Guetta sur l'Iran
Par Guillaume Payre, jeudi 2 février 2006 à 00:00 :: Iran
Bernard Guetta, dont j'apprécie les idées depuis que j'ai appris son passé de journaliste-correspondant dans les pays du bloc soviétique, a consacré une chronique sur France-Inter à "La drôle de crise iranienne"
Elle est réécoutable ou téléchargeable en mp3
[3,1 Mo]
Outre que le titre est très bien trouvé, mon petit doigt me dit que qu'il a sûrement jeté un coup d'oeil à la note de la FRS.
Faute de temps, je vais juste surligner les passages qui me semblent les plus importants et mettre entre crochets de légers et subjectifs commentaires.
La conclusion est tellement vraie. Il faut repenser à Oleg Penkovsky pour comprendre l'utilité des renseignements et se rappeler les conditions du dilemme du prisionnier inventé par John F. Nash : dans le cas ou les 2 prisonniers ne communiquent pas, ils choississent l'issue qui est défavorable à tous les deux.
Elle est réécoutable ou téléchargeable en mp3
[3,1 Mo]
Outre que le titre est très bien trouvé, mon petit doigt me dit que qu'il a sûrement jeté un coup d'oeil à la note de la FRS.
Faute de temps, je vais juste surligner les passages qui me semblent les plus importants et mettre entre crochets de légers et subjectifs commentaires.
Chronique du 02 février 2006
Comme il y eut une drôle de guerre, c’est une drôle de crise - peut-être annonciatrice de graves tensions mais pas encore à coup sûr.
D’un côté les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, activement soutenus par l’Allemagne qui poursuit, là, une montée en puissance internationale entamée dès la chute du Mur [surtout avec sa nouvelle et clairvoyante chancelière], se sont mis d’accord pour saisir le Conseil de sécurité du dossier nucléaire iranien. C’est le début d’un processus pouvant mener à des sanctions internationales, donc à un danger de nouvel emballement des prix pétroliers et de raidissement, surtout, de l’Iran qui, grâce à ses relais en Irak, son alliance avec la Syrie et ses liens étroits avec le Hezbollah libanais, pourrait riposter en jetant beaucoup d’huile sur le feu proche-oriental.
C’est un moment dont on ne saurait sous-estimer la gravité mais les cinq et l’Allemagne, disons les six, ont pris soin de dire que le Conseil de sécurité serait saisi sans vraiment l’être immédiatement puisqu’il devrait attendre un mois pour débattre de ce dossier, le temps de recevoir un rapport détaillé du directeur de l’AIEA [Mohamed ElBaradei], l’Agence internationale de l’énergie atomique. Et même alors, les diplomates ne cachent pas qu’on se hâtera lentement puisque des résolutions politiques, appels à la raison et injonctions, précéderaient toute décision de sanction économique.
L’Iran, de l’autre côté, ne court pas non plus à l’irréparable. Son Président vitupère les Occidentaux, Europe et Amérique. Il le fait avec la violence verbale qu’on lui connaît mais il se trouve que la seule menace dont il se soit abstenu est celle qui aurait été la plus inquiétante. A ce jour, l’Iran n’a jamais menacé de se retirer du Traité de non prolifération nucléaire dont il est signataire [remarque intéressante : de jure, oui, mais de facto ?], de faire comme la Corée du Nord et de se retrouver ainsi libre, au regard de la loi internationale, de se doter de la bombe. Alors à quoi jouent les Iraniens ?
On ne le sait pas, et c’est tout le problème. Ce pays n’est pas loin d’avoir les moyens de devenir une puissance atomique. Ce n’est pas seulement l’avis de Washington. Toutes les grandes capitales le pensent. On considère même, aux sommets de l’Etat français [périphrase...], que la bombe iranienne pourrait devenir réalité sous deux ans. L’inquiétude internationale est immense car la nucléarisation de l’Iran entraînerait vite celle de l’Arabie saoudite [oui, via le réseau AQ Khan car l'Arabie a aidé financièrement le programme nucléaire pakistanais], de l’Egypte [si il en a les moyens] et de la Turquie [à vérifier] dans la mesure où l’Iran, l’ancienne Perse et le bastion du chiisme, est en très mauvais termes historiques avec les mondes turc et arabe [et russe, et afghan, et pakistanais...]. Peut-être est-on à la veille d’une déstabilisation internationale gravissime mais personne, en même temps, n’est vraiment certain de ce que veut l’Iran [le savent-ils eux-même ?]. Veut-il vraiment la bombe et mène-t-il tout le monde en bateau pour l’avoir ? Gesticule-t-il dans tous les sens pour se donner le temps [qui joue pour l'Iran depuis qu'il a retiré les scéllés et repris l'enrichissement] d’arriver à ses fins en tablant sur l’extrême circonspection des Russes et des Chinois et l’embarras des Américains embourbés en Irak ?
Les jeux sont-ils faits ou l’Iran – ce qui serait tout aussi possible – ne fait-il peur à la terre entière que pour obtenir, au bout du compte, des garanties économiques et militaires des Occidentaux et s’imposer à l’Amérique en grand partenaire régional ? [surtout que l'Iran fait toujours l'objet d'un embargo occidental sur les importations d'armes et de limitations aux investissements étrangers voté par le Congrès] Ce n’est pas clair et rien n’est plus dangereux, dans une telle situation, que le manque de clarté.
La conclusion est tellement vraie. Il faut repenser à Oleg Penkovsky pour comprendre l'utilité des renseignements et se rappeler les conditions du dilemme du prisionnier inventé par John F. Nash : dans le cas ou les 2 prisonniers ne communiquent pas, ils choississent l'issue qui est défavorable à tous les deux.